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2 mars 2012

LA NÉCESSAIRE CONQUÊTE DE L’ÉGALITÉ POLITIQUE DES FEMMES ET DES HOMMES EN AFRIQUE RÉPONSE À PASCALINE ZAMUDA

S’il est important que les jeunes Africains prennent la responsabilité du développement de leurs pays et en particulier de leur démocratisation, il ne faut pas pour autant se mettre à sous-estimer l’effet négatif et durable du colonialisme sur les pays africains, notamment sur les rapports entre hommes et femmes. Des politiques centrées sur les besoins en santé et en éducation des femmes, soutenues par des modèles de femmes admirables comme les lauréates du prix Nobel de la paix 2004 et 2011, pourraient transformer la situation.

La jeunesse de sa population constitue la richesse de l’Afrique et l’un de ses principaux défis puisqu’au moins 50 % de la population de la plupart des pays subsahariens a moins de 15 ans. Le texte de Pascaline Zamuda illustre clairement les valeurs qui animent un nombre important de jeunes Africains et Africaines : soif de démocratie et de justice sociale.
On y trouve aussi les idées dominantes d’une nouvelle manière de penser l’Afrique qui fait reposer la responsabilité du progrès social et économique du continent sur les seules populations africaines en dehors des rapports historiques avec les nations colonisatrices et de la colonialité du pouvoir qui a dominé la vie politique de ces nations dès leur indépendance et dans bien des cas jusqu’à aujourd’hui. Il est vrai que, pendant de nombreuses années, l’héritage colonial était devenu l’explication unique des difficultés africaines, mais par effet de balancier, il serait imprudent de ne pas mesurer ses effets sur la vie politique et ses liens étroits avec le patriarcat auquel Pascaline fait face dans sa volonté d’inclure les femmes dans la vie politique du Congo et, plus encore, dans les processus de paix. Ainsi, Pascaline relève qu’au Congo, « le chaos de cette indépendance provoqua un bouleversement total qui laissa s’installer un régime dictatorial de 32 ans », mais elle ne dit rien de la manière dont la Belgique a littéralement fait main basse sur l’indépendance qu’elle consentait aux Congolais. L’assassinat de Patrice Lumumba, figure emblématique de cette libération inachevée, illustrerait à lui seul ce coup de force. Quant au maintien au pouvoir de Mobutu Sese Seko, il aurait sans doute été impossible sans l’appui des Occidentaux, notamment des États-Unis dont il a longtemps été le pion sur l’échiquier africain. Quant au pillage des ressources naturelles, il convient de se rappeler qu’il est le seul modèle que les Occidentaux ont proposé aux Congolais. Il est cruel aujourd’hui de leur reprocher d’avoir suivi l’exemple, mais il est indispensable d’envisager, comme le fait Pascaline, un changement radical de paradigme.
Plusieurs pays africains piétinent en ce qui a trait à la place des femmes dans leur société malgré de nombreuses ententes internationales exigeant l’amélioration de leur condition comme la plate-forme intervenue à Pékin il y a plus de quinze ans lors de la Conférence des Nations Unies. La place des femmes dans l’économie africaine est encore très largement dans le secteur informel. On s’entend généralement pour évaluer qu’elles produisent 90 % des denrées alimentaires, mais elles constituent encore moins de 10 % des salariés des secteurs autres que l’agriculture.

Pascaline note aussi très concrètement que les femmes de son pays restent handicapées dans leur insertion sociale et politique par un taux élevé d’analphabétisme. Malgré les objectifs du Millénaire pour le développement, qui vise l’accès à l’instruction primaire pour tous d’ici 2015, les progrès sont lents pour les filles. En Afrique, seulement 51 % des femmes de plus de 15 ans savent lire et écrire. Pourtant, quel pays peut aujourd’hui s’offrir le luxe de se passer de l’intelligence de plus de 50 % de sa population dans son cheminement vers le progrès social ? La tendance généralisée des rapports patriarcaux auxquels Pascaline fait référence entraîne également cette violence contre les femmes qu’elle dénonce. Ces rapports de genres sont-ils vraiment issus de la coutume et de la tradition ? Sans doute, mais dans de nombreux pays africains, cette domination masculine a aussi été clairement renforcée par les enseignements missionnaires, principalement catholiques. De plus, ces agressions contre les femmes prennent place dans un contexte où la santé de ces dernières n’est pas un objectif prioritaire des États. En fait, la situation est encore dramatique ; il suffit de savoir pour s’en convaincre qu’en Afrique, on constate près de 900 décès pour 100 000 grossesses. Les mariages précoces sont aussi fréquents. Ainsi, l’âge moyen du mariage des femmes occidentales est de 27 ans, mais il est de  21 ans en Afrique, et à 20 ans, plus du quart des jeunes Africaines sont déjà mariées.
Pourtant, les luttes féministes africaines ne datent pas d’hier ; mais la route est longue et deux embûches principales se dressent devant elles : les accusations d’importation occidentale du modèle et la forte inculcation en Afrique des différences de genre présentées comme essentielles et non pas comme culturelles. Dans un tel contexte, les acquis des femmes africaines obtenus de haute lutte sont doublement méritoires. Néanmoins, quelques modèles émergent lentement et sont susceptibles de donner espoir aux jeunes Africaines, notamment ces deux prix Nobel de la paix, la présidente
libérienne Ellen Johnson Sirleaf, réélue en 2011 à la tête de son pays, et la Kenyane Wangari Maathai, prix Nobel de la paix 2004, trop tôt disparue cette année. Également, on trouve d’autres heureuses initiatives qui vont dans le sens du développement de l’Afrique par les femmes africaines, avec par exemple la création du Fonds de développement pour la femme africaine1 (AWDF) annoncé en 2010 par le président de l’Union africaine, Bingu Wa Muthakari du Malawi, et qui financera les organisations qui oeuvrent à l’émancipation des femmes, y compris dans le soutien offert à leur engagement politique, le rêve de Pascaline pour l’avenir du Congo.

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